de armoisine » 26 Fév 2006 10:05
Concernant l'aspect religieux dans les communes du Nord.
La réforme grégorienne encourage à plus de dépouillement. Au grand bonheur des seigneurs laïcs qui récupèrent ainsi des terres et des droits. Permettant ainsi la création des communes, qui "prennent la place" des seigneurs de la ville, les évêques.
Ceux ci avaient gagné en autorité en défendant la ville contre les invasions, et en assurant la gestion des affaires publiques, mais à la fin du XIès, les choses changent.
Toutefois, les papes ne souhaitent pas perdre d'infuence. Déjà la querelle des investitures avec l'empereur avait situé la volonté de chacun. Les papes, évêques de Rome, voient d'un mauvais oeil l'émancipation des communes et s'efforcent de la restreindre dans leurs possessions.
Parallèlement se développe l'idée d'une théocratie pontificale. Autant puissance universelle au dessus des souverains, que puissance territoriale. C'est le tournant marqué par le dessein d'Innocent III, oeuvre poursuivie par Grégoire IX et surtout Innocent IV (concept de plenitudo potestatis). Les Etats pontificaux s'étendent dans le Latium, l'Ombrie, les Marches (à noter que les relations avec Rome restent houleuses, et bien souvent la population force le pape à quitter la ville).
Toutefois, la dimension spirituelle vacille. Le monde qui émerge en Italie mi XIIè est celui du commerce, du fait urbain. Or la population est perplexe face à la cohabitation en ville des divers états sociaux. La pauvreté y est plus dure en l'absence de solidarité villageoise. D'autre part, certains sont assez déboussolés: l'extension commerciale et ses corollaires (travail de l'argent, capitalisme et "virtualisation" de la pratique commerciale, nécessité au delà des principes...) rend difficile la compatibilité du dogme.
Par exemple: nombreux stratagèmes pour masquer l'usure, commerce indirect avec les musulmans, notamment vente d'armes à l'Egypte...
Le message doit s'adapter à un désir de religiosité laïque. Des associations religieuses laïques viennent en aide aux pauvres, les élites et les classes moyennes qui savent lire par les besoins du travail commercial (gestion etc) connaissent le dogme et débattent de théologie; des ordres mendiants se constituent pour coller au message initial de pauvreté (à noter que François d'Assise restera laïc, jamais prêtre), des pénitents se flagellent en public (pratique généralement attribuée aux clercs), les tiers ordres,...
Aussi le message apostolique s'adapte: reconnaissance du travail mais en lien avec la charité. En 1199, sera canonisé le premier saint laïc travailleur, Homebon de Crémone, par son action charitable. Toutefois cettte sainteté semblera suspecte fin XIIIè, et cela n'arrivera plus.
Milan a déjà connu la Pataria. Message "classique": contre la simonie, le nicolaïsme, pour une pauvreté apostolique... Mais le mouvement sera récupéré par le pape. Toutefois l'esprit se maintient.
D'autant plus que ceux qui ne reconnaissent plus l'église comme le relais légitime du message du Christ, se rejoignent au sein de mouvements dissidents. Arnaud de Brescia à Rome qui soutient le mouvement communal, Raimondo Zanfogno à Plaisance (influencé par le modèle de Robert D'Arbrissel, cf Fontevrault)... Evidemment, afflux de cathares et de vaudois. A noter, que le mouvement se divise alors et une version italienne se détache de la version provençale, car autorisant la possession de biens et le travail (Pauvres Lombards), mais de nombreuses églises sont fondées. Les Umiliati, laïcs vivant selon les préceptes de pauvreté évangéliques mais travaillant, sont reconnu par l'église qui y exerce son controle, et absorbent une partie des dissidents.
L'hérésie est bien acceuillie dans les milieux urbains qui reconnaissent la cohérence du message évangélique, l'aide envers les plus démunis. D'autant plus qu'ils ne troublent pas l'ordre public et que cela sert de contre poids au pouvoir pontifical toujours hostile au principe des communes.
Le pape cherche à éradiquer ces mouvements. Vu que les évêques veulent composer avec les communes et éviter l'affrontement, ils relayent assez mal la volonté du pape. De même que l'autorité publique, forcément. D'où la création de l'inquisition.
Le bilan de son action est difficile à évaluer. Les dissidences se maintiennent (valdéisme, mouvement de Fra Dolcino), d'autre part l'éveil de la conscience humaniste remet en cause le principe de toute puissance divine... La participation des franciscains au tribunal les discréditera auprès de la population.
Le cadre de la commune favorise l'expression d'une foi contraire au dogme établi. L'axe est bien celui de la pauvreté évangélique et d'une demande d'intégration de la réalité de la vie urbaine, de ses activités.
Travail, charité, possibilité pour les laïcs d'agir en "saint" au milieu du monde.
L'homme n'est pas entièrement coupable: il n'a pas commencé l'histoire; ni tout à fait innocent, puisqu'il la continue. Camus