Au MA aussi, certains ont imaginé des armées pouvant enfin vaincre d'impitoyables ennemis.
Ecoutons la recette du bourguignon Bertrandon de la Brocquière pour battre les Turcs (1ère moitié du XVe siècle) :
" Je voudrois donc, 1°. de France, gens d’armés, gens de trait, archers et arbalêtriers, en aussi grand nombre qu’il seroit possible, et composés comme je l’ai dit ci dessus; 2°. d’Angleterre, mille hommes d’Armes et dix mille archers; 3°. d’Allemagne, le plus qu’on pourroit de gentilshommes et de leurs crennequiniers à pied et a cheval. 87 Assemblez en gens de trait, archers et crennequiniers quinze à vingt mille hommes de ces trois nations, bien unis; joignéz-y deux à trois cents ribaudequins,88 et je demanderai à Dieu la grace de marcher avec eux et je réponds bien qu’on pourra les mener sans peine de Belgrade à Constantinople.
Il leur suffiroit, ainsi que je l’ai remarqué, d’une armure légère, attendu que le trait Turc n’a point de force. De près, leurs archers tirent juste et vite; mais ils ne tirent point à beaucoup près aussi loin que les nôtres. Leurs arcs sont gros, mais courts, et leurs traits courts et minces. Le fer y est enfoncé dans le bois, et ne peut ni supporter un grand coup, ni faire plaie que quand il trouve une partie découverte. D’après ceci, on voit qu’il suffiroit à nos troupes d’avoir une armure légère, c’est-à-dire un léger harnois de jambes,89 une légère brigandine ou blanc-harnois, et une salade avec bavière et visière un peu large. 90 Le trait d’un arc Turc pourrait fausser un haubergon;91 mais il sémoussera contre une brigandine ou blanc-harnois.
J’ajouterai qu’en cas de besoin nos archers pourroient se servir des traits des Turcs, et que les leurs ne pourroient se servir des nôtres, parce que la coche n’est pas assez large, et que les cordes de leurs arcs étant de nerfs, sont beaucoup trop grosses.
Selon moi, ceux de nos gens d’armes qui voudroient être à cheval devroient avoir une lance légère à fer tranchant, avec une forte épée bien affilée. Peut-être aussi leur seroit-il avantageux d’avoir une petite hache à main. Ceux d’entre eux qui seroient à pied porteroient guisarme,92deux têtes.] ou bon épieu tranchant93 beaucoup plus forte que la lance ordinaire.]; mais les uns et les autres auroient les mains armées de gantelets. Quant a ces gantelets, j’avoue que pour moi j’en connois en Allemagne qui sont de cuir bouilli, dont je ferais autant de cas que de ceux qui sont en fer.
Lorsqu’on trouvera une plaine rase et un lieu pour combattre avec avantage on en profitera; mais alors on ne fera qu’un seul corps de bataille. L’avant garde et l’arriere-garde seront employées à former les deux ailes. On entremêlera par-ci par-là tout ce qu’on aura de gens d’armes, à moins qu’on ne préférât de les placer en dehors pour escarmoucher; mais on se gardera bien de placer ainsi les hommes d’armes. En avant de l’armée et sur ses ailes seront épars et semés çà et là les ribaudequins; mais il sera défendu à qui que ce soit, sous peine de la vie, de poursuivre les fuyards.
Les Turcs ont la politique d’avoir toujours des armées deux fois plus nombreuses que celles des chrétiens. Cette supériorité de nombre augmente leur courage, et elle leur permet en même temps de former différens corps pour attaquer par divers côtés à la fois. S’ils parviennent à percer, ils se précipitent en foule innombrable par l’ouverture, et alors c’est un grand miracle si tout n’est pas perdu.
Pour empêcher ce malheur on placera la plus grande quantité de ribaudequins vers les angles du corps de bataille, et l’on tâchera de se tenir serré de manière à ne point se laisser entamer. Au reste, cette ordonnance me paroit d’autant plus facile à garder qu’ils ne sont point assez bien armés pour former une colonne capable par son poids d’une forte impulsion. Leurs lances ne valent rien. Ce qu’ils ont de mieux ce sont leurs archers, et ces archers ne tirent ni aussi loin ni aussi fort que les nôtres.
Ils ont aussi une cavalerie beaucoup plus nombreuse; et leurs chevaux, quoique inférieurs en force aux nôtres, quoique moins capables de porter de lourds fardeaux, courent mieux, escarmouchent plus long-temps et ont plus d’haleine. C’est une raison de plus pour se tenir toujours bien serré, toujours bien en ordre.
Si l’on suit constamment cette méthode ils seront forcés, ou de combattre avec désavantage, et par conséquent de tout risquer, ou de faire retraite devant l’armée. Dans le cas où ils prendroient ce dernier parti, on mettra de la cavalerie à leurs trousses; mais il faudra qu’elle ne marche jamais qu’en bonne ordonnance, et toujours prête à combattre et à les bien recevoir s’ils reviennent sur leurs pas. Avec cette conduite il n’est point douteux qu’on ne les batte toujours. En suivant le contraire, ce seront eux qui nous battront, comme il est toujours arrivé."
http://ebooks.adelaide.edu.au/h/hakluyt ... .html#fn25
On peut me rappeler ce que sont des
crennequiniers et des
ribaudequins ?