En terme de polygamie Clotaire (et oui encore lui) est un bon exemple. Sa femme Ingonde lui demande de trouver un bon mari pour sa sœur, Aregonde. Il accepte de répondre à la requête, et épouse Aregonde. Revenant auprès d’Ingonde : « J’ai résolu d’accorder la grâce que ta douceur m’a demandée. Et en cherchant l’homme riche et intelligent que je devais marier à ta sœur, je n’ai rien trouvé de mieux que moi-même. :med25: » Histoire des francs, Greg de Tours. Il a trois épouses le farceur, ainsi que Radegonde (voir message précédent), Gondieuque veuve de son frère, et Waldrade ex d’un autre membre de la famille…
C’est plus une tradition que de l’incontinence. D’ailleurs ses fils poursuivent l’usage. En fait, la polygamie offre des avantages : satisfaire un appétit sexuel parfois très développé, manifester ostensiblement sa richesse et sa puissance (le pouvoir vient du sang, de la force et non encore d’une légitimation religieuse), accroître le nombre des alliances et mieux assurer sa descendance.
On y voit la persistance de coutumes germaniques des V-VIès. Les germains souhaitent conserver leurs caractères ethniques et le maintien du patrimoine grâce à une descendance incontestable (voir le message de Foulques ci dessus). On s’unie donc avec une vierge, et le mariage consiste en une union charnelle. Le lendemain, l’époux lui offre la Morgengabe qui vient s’ajouter à la dot que les parents de la femme lui ont accordée. Elle devient l’épouse légale dite de premier rang qui donne les descendants légitimes. Les épouses de second rang de toutes conditions sociales « font » des enfants illégitimes mais assurent aussi la paix avec le lignage dont elles sont issues, d’où leur nom de Friedelehen (gages de paix). Les auteurs romains chrétiens les traitent de concubines. De plus on peut prendre une épouse de second rang avant celle de premier rang (Clotilde arrive en deuxième mais est de premier rang auprès de Clovis).
Sous les rois francs cohabitent germaniques et gallo-romains monogames. Les deux traditions fusionnent et l’église s’immisce de plus en plus. Au VIIIè l’église et le pouvoir laïc ne reconnaissent qu’un type de mariage : choisir une épouse libre (non esclave), demander sa main au « mâle » responsable, officialiser l’engagement publiquement (élément essentiel, selon le droit romain il faut des témoins), doter la fille, respecter le morgengabe. L’église insiste sur le caractère consensuel et sur l’égalité des époux : c’est déjà un mariage chrétien même si la bénédiction n’est pas obligatoire.
Toutefois les friedelehen continuent d’exister sous les derniers mérovingiens. L’église fait en sorte d’imposer la monogamie : en 826 le concile romain interdit la concubine en plus de l’épouse, l’essentiel étant de se contenter d’une seule femme. A retenir qu’il subsiste au Xès en Normandie une union proche, dite mariage à la danoise (la cohabitation et la "consommation" fait l'union, imaginez de nos jours

...). Rollon s’unit ainsi à sa prisonnière Poppa. Le duc Richard Ier s’unit ainsi à la fille d’un forestier Gonnor dont il a des enfants mais ceux-ci n’ont aucun droit en l’absence de mariage chrétien. Il l’épouse donc après la mort de sa femme Emma.
La majorité de la population, paysanne, n’est pas concernée par les alliances familiales et n’est donc guère polygame, ressemblant même en général aux couples d’aujourd’hui.
Pour la p’tite histoire la coexistence de ces femmes engendre intrigues et parfois meurtres

(Frédégonde fait assassiner la nouvelle femme de Chilpéric, Deoteria craint la rivalité possible avec sa fille dans le cœur de Théodebert et la fait précipiter dans la Meuse à Verdun).
Monogamie et indissolubilité s’imposent, malgré la résistance de certains nobles. Par l’indissolubilité, l’église protège les épouses de la répudiation pour cause de maladie, pauvreté, vieillesse, incompatibilité d’humeur (voir l’opposition d’Hincmar archevêque de Reims au divorce de Lothaire II et Theudberge).
La réforme grégorienne du XIès définit le célibat des clercs et la monogamie des laïcs.
La législation du mariage sera établie en 1215 au concile de Latran IV par Innocent III. Le mariage en tant que sacrement n’est admis qu’en 1439 au concile de Florence. Toutefois, le calendrier des épousailles est extrêmement strict entre interdits religieux et croyances païennes. Résultat : 16 jours pour se marier par an.
Voir historia n°663.