Comme les aventures des nos irréductibles gaulois se terminent par un banquet, les aventures d’Adélice se terminent par de longues flâneries aux grés des vents, portée, transportée, chantonnant de divins aires…
Peu à peu, l’astre des astres tire sa révérence avec, sur ses royales traces, une traîne rouge sang … Ce cortège divin s’en va faire grâce de sa présence sur d’autres cieux.
Paisible, sereine, elle médite. Pour la première fois ! Mais quel plaisir ! Le moment est simplement magique. Elle ne peut s’en défaire, résister est impossible, peine perdue. Assise en tailleur, le vent soulève délicatement ses cheveux châtains, ses vêtements en soierie. L’harmonie règne.
Tous d’un coup, un bruit de galop et de battement d'ailes, se font entendre…un bruit rythmé, sourd… Si familier… Un animal étrange… Un pégase ! En effet, depuis Ulysse, chez les dieux, le mot pégase est devenu une race, comme l’on fait les humains avec le goupil devenu renard à cause du roman de …renard ! Il file à toute à toute allure, « fend la bise et coupe le vent ". Dans un bruit identique à celui de la soie qui se déchire, la jeune déesse sort de sa méditation. Il a dû s’échapper. Sans chercher à comprendre, elle se lance à sa poursuite. Son père lui a appris à monter, autrefois.
Au bout de cette folle course, elle installe son nuage au-dessus d’un endroit qui l’a surprise. En effet, la bête s’était cachée dans la cour d’un château. Rattraper le fuyard ne fut pas une véritable partie de plaisir, quoi que…! Le bougre ! elle a mis 3 heures à le retrouver ! Bon faut dire que le lieu l’a « déconcentrée », détournée.
Le mastodonte, impérieux règne sur une forêt de velours vert sombre. Solitaire dans cette mer de montagne. Un roc, un château fort. Il est là, puissant, fière, imperturbable. Pourtant, ce géant, dominant quatre vallées pense difficilement ses blessures, avec l’aide de quelques hommes… Mais qui est-il ? Si seulement, elle savait qu’elle est ce château.
Au loin l’orage gronde ! Les tambours sont en marche, son oncle au travail ! Ils tournent, vont-ils venir jusqu’ici ? On verra bien, de toute façon ce château est le refuge parfait.
Surgissant du noir profond de la forêt, le château s’illumine. Grand parmi les grands. C’est un artifice voulu par les humains, qui l’éclair, c’est du plus bel effet.
La visite de nuit, dans les tourments de l’orage et de la pluie qui vient la tente…mais même chez les esprits aussi, on dort à cette heure…
Et puis après tout c’est une déesse, elle peut y entrer sans autorisation ! Solidement, elle harnache son pégase à la porte, c’est allègrement qu’elle passe… par-dessus !Bon, c’est sur c’est pas classique mais très efficace ! C’est désormais entre deux murs qu’elle avance. C’est pas sont lent, calme… la farouche fuyarde serait-elle effrayée ? Elle n’a pas atteint de bout de ce couloir au but certainement défensif, que déjà, devant elle se dresse une jeune femme. Ses cheveux sont ramassés dans deux connes de chaque côté de sa tête, une longue robe sombre l’habille… Elle est tout droit sorti du …Moyen Age !
« Bienvenu dans la demeure des Chambe. Nous vous prêterons l’hospitalité pour cette nuit, humble visiteuse. Suivez moi. »
Voilà qui est intriguant…D’après son costume…elle viendrait du XII, XIII ème siècle…
«- Qui êtes vous ? »
« -Ô oui ! Pardon, je suis la cadette du seigneur. Il n’est d’ailleurs pas là…en fait, je suis désormais seule ici, à veiller sur notre forteresse. Mais j’ai bon espoir de pouvoir partir bientôt, notre demeure est entre de bonnes mains. Et, à qui ai-je moi même l’honneur? » Adélice se lance alors dans des explications qu’elle teinte d’humour, car la jeune châtelaine n’a pas l’air de rire tous les jours. Elles sont désormais devant la porte qui mène à la haute cour. Elle est sublime.
La jeune déesse s’arrêta un instant…
« Ce tympan est paraît-il de style gothique flamboyant…Il est tout du moins certain que c’est Gaspard d’Estaing qui en est l’instigateur. Venez, allons nous réchauffer à l’intérieur. Je pourrais vous raconter tout en détail, puisque c’est votre souhait. »
Après avoir traversé la cour intérieure, suivie une enfilade de couloirs sombres, éclairées par une simple chandelle, elles arrivent dans la salle dite « du banquet ».
Au dehors, la colère divine est de plus en plus forte. Les éclaires zèbrent continûment les cieux. Le spectacle est magnifique.
« Brouuu ! Je crains ces fichus orages ! J’ai tellement peur qu’une de ces éclaires tombent sur nos murs…
Mais revenons à l’histoire de notre fier château.
Je suis issue de la famille Chambe. Nous avons pris le nom d’une châtellenie que nous possédions vers l’an 1220, où nous avions une motte castrale près du lac Chambon. Si je me souviens bien de ce que m’a transmis mon père, notre famille est affilié à celle des Comptour d’Apchon et ce depuis la fin du Xème et le début du XIème. Il me semble qu’alors cette famille possédait le château de Montcelet, au-dessus de la plaine du Lembron.
Et puis, au XIIème, nous nous installâmes ici. Nous ne jouissions pas d’une grande fortune, notre châtellenie était fort modeste. Toutes fois, nous possédions une ferme assise dans la région.
Bien que reculé, notre château est à l’entrée de trois vallées, routes, romaines de surcroît ; dont la première mène de Clermont à la Haute Auvergne (le Cantal, dit- on de nos jours), passant notamment par le lieu de nos origines, le lac Chambon, mais aussi le Mont Dore ; un seconde menant à Besse et enfin, une dernière qui nous conduit à Issoire, en suivant la vallée de la Couze.
Je suis fière de notre château. Il faut dire que son emplacement est rêvé…d’ailleurs il supplanta un poste militaire romain. Ici, on voit loin, bien qu’il n’y ait pas de pentes abruptes, il n’y a pas non plus d’élévations naturelles qui pourraient nous menacer avec quelconques armes de jets.
Nous avons eu aussi des membres glorieux ! D’ailleurs à une époque (XIII – XIV ème) nous avions régulièrement notre nom avec honneur dans les hommages et annales de province. L’un d’entre eux se nommait Guillaume de Chambe (ou Sam), il était chevalier et seigneur. Son fait de gloire ? Aimeriez vous donc les chevalier, gente damoiselle ?Je vous sens un regain d'intêret!

» Elles rient de bon cœur. « Trève de plaisanteries, ce grand homme fut présent à l’ost rassemblée par Jean « le Bon ». Il passera l’arme à gauche lors de la désastreuse bataille de Poitiers, contre le « Prince Noir », Edouard de Woodstock ; aux côtés du roi de France.
Son frère, lui était un peu plus loin de tous ces glorieux faits d’armes. Mais il eut tout de même un rôle non négligeable. En effet, toute sa vie il s’évertua à agrandir le domaine familiale ; tant par son mariage avec Randone de Panhac (ou Paunihac), tant par l’achat en 1380 au comte d’Auvergne, qui a sa capital à Vic le Comte, d’une seigneurie prés de Saint Amand Tallende, dite du Crest. Il obtint la charge de vicaire de la cité papale. Probablement, c’est son frère, Jehan, cardinal en Avignon, qui l’a aidé pour obtenir sa charge, mais aussi, pour faire l’acquisition de sa seigneurie. Ce même Jehan…. Vous me dites si je vous ennuie… ? » questionna calmement avec un sourire plein de bonté la châtelaine.
« -Oh, non ! Pas du tout ! Je regardais simplement l’orage qui vient ! Il est de plus en plus prés et puissant. Allez –y continuez, très chère… »
« Ce même Jehan, donc, aida aussi semble-t-il, l’aîné des quatres fils d’Amblard, Guillaume, le deuxième du nom, à fortifier et à améliorer d’avantage notre beau château, avec les grandes tours et le logis, entre autre.
Guillaume II donnera surtout puissance à sa lignée en épousant Ondine de Saint Nectaire, après quelques négociations. Il obtint ainsi les terres voisines. Plus jeune, il participa à de nombreux faits d'armes, en attendant de prendre place à la tête de la seigneurie. Sa « sédentarisation », vain relativement tard, elle ne sera qu’au début du XV ème siècle avec une conjoncture régionale nécessitant sa présence. Jamais, il ne sera négligent avec les affaires de ces terres, même s'il délèguera parfois beaucoup. En 1402, il entreprend lui-même la levée de ses cens et rentes. Il commence aussi l’écriture de son journal.
Le château quittera notre lignée, lorsque la petite fille de Guillaume II, Jehanne de Murol, vient s’installer ici, avec son époux Gaspard d’Estaing. Elle est la seule héritière, voilà pourquoi notre fierté passera dans cette illustre famille.
A cette famille, l’on doit aussi beaucoup, voyez vous, car dans la seconde moitié du XVIème, c’est François 1er d’Estaing, qui modernisa le château et qui en assura la défense avec des pièces d’artilleries dites « fauconneaux ». Il était lui-même chevalier de la toison d’or. Son fils Jehan III, quant à lui, fut l’un des chefs de file de la ligue catholique en Auvergne et il repoussa victorieusement des attaques royalistes, en 1592, lors des guerres de religion. Il me semble qu’il fit aussi bâtir le pavillon Renaissance. Il mourut en 1621, lors du siège de Montauban, où il accompagnait Louis XIII.
Mais déjà, l’odeur de la fin est proche. Et le pas qui jeta notre demeure dans la vide de la décadence fut franchi au cour du XVIIème avec force de querelles familiales et de problèmes d’ordre financier. Il sera par la suite livré à toutes les misères et tous les aléas du monde. Sauf peut-être la Révolution et Richelieu, qui l’avait dans sa bonne grâce épargné et ce, grâce au prestige de la famille d’Estaing.
De grands auteurs l’on paraît-il évoqué…j’espère qu’ils ont étaient inspiré par mon amour pour cette magnifique demeure… »
Cet instant de mélancolie refroidit les esprits qui ne peuvent que mieux entendre la pluie battante du dehors. Les deux jeunettes s’endorment, bercées et épuisées, affalées sur la table.
Déjà le jour pointe, les Compagnons de Gabriel sont au travail pour remettre en état les dégâts des cieux. C’est bizzar, ils jureraient entendre des hennissements et des claquements d'ailes très fort! Les deux amies profitèrent de ces instants de calme, si spécifiques au « post-orage », pour visiter la forteresse… C’est un endroit magique, porteur… une fenêtre pour un voyage dans le temps. Du haut de sa montagne, ils semble narguait les dieux. La vie qui y régnait autrefois est palpable.
Partir, fut plus dur encore que les autres fois pour Adélice. Elle en oublierait presque son Pégase... ! Bizarrement, lui n’est pas trop d’accord ! Elle l’appellera Amblard…en mémoire d’un seigneur d’ici…
« Aurevoir ! A bientôt !Chère amie »
La boite aux hommes d’ici bas :
Mes sources : mes sites :
http://www.chateaudemurol.com/
http://www.casteland.com/pfr/chateau/au ... l_hist.htm : pour le côté plus « technique » de l’architecture castrale
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_de_Murol
Mes bouquins : La basse auvergne médiévale ( Georges Bernage, Anne Courtillé, Marc Mégemont) aux éditions Heimdal et Créer.
Mon commentaire : Il y a fort longtemps que je souhaite y retourner, c’est désormais pire que jamais ! Cela dit, c’est véritablement un lieu magique. Je pense que c’est un passage obligé. Alors oui, je sais, il y a encore des tonnes de trucs à dire !:)

Mais il m’a fallu faire un tri, c’est dur

… Allez donc voir sur les sites et si vous avez d’autres questions … je me ferai un plaisir de tenter d’y répondre. Peut-être pourras-tu m'aider, Jehan?
Mes interrogations à moi : dans le bouquin, et par là même dans mon récit, on évoque : « l’ost rassemblée par Jean « le Bon » ». Ma question est qu’est ce que c’est ? Je n’ai pas trouvé ma réponse, je lance donc un « SOS »…

merci.
L'avenir est un long passé. (Manau)