Ingratitude sans doute, mais en l'occurence Charles VII n'a fait que défaire ce qu'il avait fait donc ça relativise...
Jacques Coeur a eu le tort de nouer des relations trop proches et suspectes avec le turbulent dauphin, futur Louis XI, et cela même à un moment où Charles VII subissait la plus grande perte de sa vie : celle d'Agnès Sorel, son plus grand amour.
Possible même qu'un courrier compromettant ait été intercepté entre Coeur et Louis.
Charles VII, en plein désespoir et sans doute paranoia, aura voulu châtié le commis infidèle. D'ailleurs la paranoia n'était pas si injustifiée qu'on a bien voulu le dire puisque le tout dernier examen du corps d'Agnès Sorel montre de grandes probabilités d'empoisonnement.
Il reste que le grief principal qu'on avait contre jacques Coeur ne figurait pas dans les chefs d'accusation. Philippe Erlanger a écrit : "
En frappant jacques Coeur, le souverain avait perdu de sa force et l'homme de sa noblesse".
Je viens de finir le bouquin de Jacques Heers sur Jacques Coeur.
En une étude approfondie il montre que la légende ne correspond en rien à l'homme et ce qu'on en dit couramment :
"surdoué du commerce", "homme d'affaires remarquable", "parti de rien", "en 1432 il eut l'idée de faire lui même le voyage du moyen orient", etc...
Commerçant remarquable, sûrement pas. Toute sa carrière s'est faite sur injonction royale.
Il a reçu du roi la mission de monopoliser certains commerces, comme celui avec Alexandrie, pour le compte de l'Etat, spoliant au passage pas mal de petits commerçants et même gens simples qui prenaient des parts sur les ventes de cargaisons.
Les fameuses galées de France n'étaient que quatre, chiffre modeste en regard de ce que faisaient les villes italiennes, bien plus développées et organisées à la même époque.
Et "argentier du roi" ne peut être en aucune façon comparable avec la notion moderne de ministre des finances. C'est d'abord une fonction de la maison du roi, qui rappelle les offices du haut moyen âge.
Mais cela ne veut pas dire que l'homme n'était pas doué et remarquable. Seulement ses talents n'étaient pas ceux que l'on croit. En fait, on aperçoit, peut-être pour la première fois dans l'histoire de France, une tentative étatique de contrôle sur l'économie !
Rien moins que l'ancêtre des entreprises nationalisées ! Peut-être une première manifestation du capitalisme
à la française avec l'Etat qui fourre son nez partout.
Avec les galées, un exemple entre autres, charles VII se permet d'avoir une ambassade discrète bien que prestigieuse auprès des responsables politiques du proche-orient. Et ce sera couronné de succès !
Il est difficile, vu la carence des documents d'époque, de démêler ce qui a été voulu par Charles VII de ce qui a été proposé par Jacques Coeur, qui des deux a été le meneur, l'apporteur d'idées nouvelles. Mais j'ai retiré du bouquin une image d'un Charles VII organisateur de son royaume dans les moindres détails, que je n'avais pas perçu dans le livre de Philippe Erlanger.
Il n'est pas question de rabaisser les qualités de Jacques Coeur : les circonstances de la fin de sa vie sont là pour les prouver (il serait cependant difficile d'y inclure l'honnêteté, mais il était loin d'être le seul à se servir dans les caisses). Mais c'est d'abord et avant tout la fidélité de ce commis de l'Etat qui a créé les conditions de son ascension.
La fidélité étant mise en doute, il est tombé.
Les billets de banque sont magnifiques. Quelle tristesse que nos euros à côté !
