Je développe.
En fait, les étuves se développent aux XIV-XVè, aux vues du nombre d'établissements.
Bruxelles en compte 40, et il y en a autant à Bruges. Bade, en 1400, en possède une trentaine. En France, en dehors de Paris, on sait, grâce à des études faites par J. Garnier et J. Arnoud, que Dijon, Digne, Rouen, Strasbourg sont équipées de bains. Une petite ville comme Chartres en a cinq. Ces établissements sont extrêmement florissants et rapportent beaucoup d'argent. Dans plusieurs villes de France, certains d'entre eux appartiennent au clergé !
Toutefois ce serait autant pour se laver, que pour se détendre en galante compagnie. La propreté n'est peut être pas l'objectif principal mais en tout cas l'eau ne fait pas peur.
Mal vues pour leur fréquentations parfois douteuses, les sources ont l'air toutes d'accord.
Les étuves auraient fait l'objet de législation en ce sens assez tôt d'ailleurs:
Les statuts interdisaient d'accueillir les malades, principalement les lépreux, mais aussi les prostituées. Déjà, dans le règlement de Saint Louis, en 1268, ce sujet est abordé : "Que nul du dit mestier ne soutienge en leurs étuves, bordiaux de jour et de nuit." Cela démontre bien que, déjà à cette date, les bains commençaient à attirer les débauchés.
Les bains sont donc avérés à cette date. 27 à Paris en 1292.
Les règlements qui répètent avec obstination, surtout à partir de la moitié du 14e siècle, que l'accès aux bains doit être interdit aux bordiaux semblent bien inefficaces. Au début du 15e siècle un grand nombre d'étuves commencent à instaurer la séparation des sexes
Cependant, à la fin du 15e siècle, les procès se multiplient ; le voisinage supporte de plus en plus mal la présence de "baigneries".
Ils devaient être assez fréquentés somme toute à cette période pour que les gens se plaignent et qu'une législation soit nécessaire.
Beaucoup d'étuves étaient en même temps des bordels, mais ce n'était pas là un phénomène récent. On peut donc se demander pourquoi, soudain, on cesse de le tolérer. Alors qu'on sait que, en pleine épidémie de peste, au milieu du 14e siècle, un médecin parisien nommé Despars faillit être lapidé par le peuple, pour avoir conseillé de les fermer par prudence...
Et pourquoi la fermeture des étuves publiques:
La fermeture des étuves s'explique-t-elle par l'apparition de la syphilis qui touche le monde occidental ? Par le trop grand nombre d'étrangers qui envahissent la ville et que les autorités de la cité n'ont plus les moyens de contrôler, notamment dans les lieux publics, où ils sèment l'agitation ? Ou par un retour à la moralisation des moeurs, la notion de péché envahissant de plus en plus les consciences en cette fin de siècle ?
A la fin du 15e siècle, se profile un changement complet dans les mentalités, qui s'étalera sur plusieurs siècles. L'eau estime-t-on - est responsable des épidémies et des maladies, croyance non dénuée de fondement en cette fin de Moyen Age où les tanneurs, les teinturiers, les bouchers jettent leurs déchets dans les rivières et les polluent.
Par réaction, les médecins commencent à penser que le bain lui-même est malfaisant pour le corps, que les miasmes de la nature pénètrent d'autant plus facilement à l'intérieur du corps, que les pores sont dilatés sous l'effet de la chaleur, laissant un libre passage aux maladies. Plus question de chanter les louanges du bain : il faut se méfier de l'eau et n'en user que très modérément. Dans un tel climat, ne subsisteront des pratiques antérieures que celle des pèlerinages aux sources guérisseuses, en tout cas en France. L'Allemagne, en effet, ne se privera pas totalement du recours à ses bains.
Cette disparition de l'hygiène dans notre pays va de pair avec une évolution de l'Eglise romaine, qui tend de plus en plus vers une rigidité morale niant le corps.
Que dit d'autre ton bouquin à ce sujet?
http://medieval.mrugala.net/Bains/Bains.htm
Historama n°40, juin 1987