Un récit qui en intéressera plus d'un ici, le "Saint voyage à Jherusalem du seigneur Ogier d'Anglure" en 1395.
Ce serait le premier récit en français sur une telle expérience mais, d'après ce que je comprends de la préface, le texte original a été perdu et il s'agit d'une des deux versions connues, celle-ci en français du XVe siècle et une autre en mosellan.
Cette version française se lit étonnamment bien, à part quelques mots et une difficulté sur les chiffres (il y aussi des erreurs de dates manifestes). Elle a été éditée une première fois en 1621 puis reprise à l'époque récente à partir de 1858. Je l'ai découverte dans un vieux bouquin de 1941 de La Pléïade : "Jeux et Sapience du Moyen Age", toujours en vente aujourd'hui.
On ne peut malheureusement pas dire que ce soit le récit d'un écrivain ou même d'un observateur. Beaucoup de précisions et de détails manquent, les sentiments des intéressés ne sont presque jamais évoqués et les intérêts du narrateur ne rencontrent pas vraiment les notres. En effet, il s'agit bien d'un pèlerinage religieux et l'auteur donne essentiellement des détails sur les reliques qu'on lui présente et les anecdotes bibliques en relation avec les lieux saints qu'il visite.
Il reste un témoignage capital sur la façon de voyager de l'époque, les étapes les difficultés et délais et ce qui frappe le voyageur occidental. Il y a notamment une description touchante des olifants et des giraffa, qui ont fort impressionné notre homme, ainsi que les "greniers pharaon", comme on appelait alors les pyramides d'Egypte…
Ce qui m'a étonné est finalement le peu de difficultés d'envergure que ces pèlerins ont rencontré. Dans les dangers mortels, une seule attaque de pirates (sur le Nil) et une grosse tempête auquelle ils réchappent de peu. Sinon on remarque juste des vents contraires en Méditerranée qui les retardent ou les déroutent et un cas de maladie mortelle qui touche (si j'ai bien compris) le beau-père du narrateur. Seulement, on constate qu'il ne s'agit pas de gens versés à se plaindre ou à s'inquiéter de peu, et il est bien possible qu'ils aient eu plus de déboires en réalité, mais pas assez importants pour que ceux-ci paraissent mériter une mention aux yeux de l'auteur. Il se peut aussi que le texte original ait été tronqué de passages importants à nos yeux.
Mais ce qui est intéressant également c'est ce qu'il ne dit pas. On ne note aucune difficulté particulière du fait des autorités musulmanes et il n'a pas de commentaires désobligeants sur les Sarrasins. De même, aucune référence au royaume latin d'orient disparu un siècle plus tôt.
On sait très peu de choses sur l'auteur, Ogier VIII d'Anglure (env. 1360-1412). Anglure se trouve dans le département actuel de la Marne. Nous avons une lettre de rémission de Charles VI en 1391 le concernant, qui décrit un rapt et un viol d'une bourgeoise (plus rocambolesque que tragique) auquel il a été mêlé. Est-ce que cette affaire est en rapport avec un vœu de pèlerinage en Terre Sainte ?
Le texte :
http://gallica.bnf.fr/scripts/catalog.php?Dossier=Dossier_vef&Bgc=FCE9B6&Col=9C0000&VEFDepartement=Marne&VEFVille=Anglure
La préface signale le récit de marchands florentins dix ans auparavant, qui ont fait à peu près le même voyage mais en sens inverse. Il s'agit de "Viaggio in Terra Santa di Simone Sigoli", en italien. Dans ce récit apparaîtrait plus de détails et notamment des indications de dépenses. Je ne sais pas s'il y a une traduction en français.
Des renseignements intéressants ici :
http://www.jerusalem-pedibus.net/site_fr/index_fr.html?http&&&www.jerusalem-pedibus.net/site_fr/genes_fr.html