Sans son homme, la Normande s’ennuie ferme. Tout le monde sait ça. Mais laissons parler l’érudit local :
« Ici se place un petit fait, rapporté par Orderic Vital, et donc difficile à mettre en doute, surtout que le bon moine était bien dégagé des sentiments qui jouaient autour de ce galant épisode. Il y eut, au pays, une insurrection des femmes normandes : les épouses se rebellaient à leur tour.
Ce fut une conjuration des délaissées. On en connaît peu de choses ; d’après le vénérable Orderic : « Quelques normandes étaient en proie aux passions les plus dévorantes, et par de fréquents courriers, sollicitaient leurs maris de revenir promptement ». Elles ajoutaient que si ces messieurs tardaient encore, ces dames se pourvoieraient d’autres époux –ni plus ni moins !
L’impression produite fut très forte. Les cartels envoyés par les brûlantes conjointes parurent de bien méchant augure. Tous se sentirent menacés. Le roi se prodigua, promit, donna, vainement. Orderic Vital s’émeut : « Que feraient ces honorables athlètes si leurs femmes, entraînées par le libertinage, allaient souiller par l’adultère le lit conjugual ? ». Et beaucoup des honorables athlètes, plus fidèles à leurs épouses qu’à leur Duc, demandèrent en effet leur congé. Ainsi fit Hugues de Grantmesnil, qui avait pour excuse de posséder une des plus belles femmes de l’europe, Adélize de Beaumont, pour laquelle il abandonna son comté de Winchester ; et il fut suivi, entre autres, par son beau-frère Onfroy du Teilleul, châtelain de Hastings. Les normandes ont toujours eu la réputation d’être décidées, de mener la maison, et de se montrer franches en affaires. Ne le prouvèrent-elles pas ?
Cependant cet incident érotique eut des conséquences graves. Le Roi renvoya Mahaut en Normandie, comme pour donner l’exemple et se mettre à la portion congrue. Avec elle, il autorisa beaucoup de ses fidèles à repasser la Manche. Il va rester seul et sans aide morale au milieu des troubles toujours plus menaçants, harassants. »
Jean de la Varende "Guillaume le bâtard conquérant".
Maintenant je voudrais laisser la parole à Rod, notre digne administrateur originaire de la région, pour nous apporter ses lumières sur la Normande et les "passions dévorantes" de certaines… Tous les hommes du forum t’écoutent, Rod, vas-y, dis nous tout…

PS : retrouver le mot de libertinage sous la plume d’un chroniqueur du XIe s. m’étonne franchement, mais c’est anecdotique à ce niveau…