On ne trouve pas trace de notre lointaine histoire que dans les vieilles pierres et les tracés des frontières, cette mémoire vibre aussi parfois dans les us et coutumes, des institutions, des lois, des contes, des airs de chansons et des mots…
Des mots échangés au travail, au jeu, à la guerre, à la chasse, dans l'amour, en famille, certains d'entre eux de génération en génération, jusqu'à nous.
Mais si l'usage a perduré, le sens originel a bien souvent été perdu en route et l'on emploie parfois par habitude des mots et des expressions que nous ne comprenons plus littéralement nous-mêmes.
Les mots sont un voyage à eux seuls dans l’espace et le temps… Je vous propose un florilège amusant sur la base de "L’étonnante histoire des noms de mammifères" de Henriette Walter et Pierre Avenas, de "La puce à l’oreille" de Claude Duneton, avec quelques emprunts à mes dicos étymologiques et "Les noms de personnes" d'Albert Dauzat.
Si vous avez d’autres exemples, n’hésitez pas à en faire part ici !
du Goupil au Renard
L’une des plus connues des évolutions de langage. Goupil était l’ancien nom du renard, du latin vulpes. C’est le personnage principal du goupil dans le "roman de Renart" qui marqua les esprits à la mesure du succès de ce roman. Si bien que l’on nomma progressivement tous les goupils des renards, avec le remplacement ultérieur dans l’orthographe du "t" final pour le "d" !
Mais ce Renart était connu avant ce roman car on retrouve un Reinardus dans un poème du XIIe siècle "Ysengrimus" (on retrouve aussi dans ce titre le nom du loup, Ysengrin dans le roman de Renart), attribué à Nivard de Gand. Reinardus est formé du germanique ragin "conseil" + hard "fort", soit fort en conseil, astucieux.
Vos cheveux tombent ? C'est que vous souffrez d'une alopécie. Si la cause est à voir avec votre médecin, vous devez le terme au grec alôpekia dont la racine ancienne alôpêx désigne le renard. Ceci par analogie avec la chute printanière des poils de l'animal.
La femelle du goupil était la goupille (si, si !). Elle survit honorablement dans notre langue dans les mots goupille, goupiller et dégoupiller.
Le verbe goupiller existait déjà en ancien français dans le sens "ruser tel un renard". C'est ensuite que, par analogie de forme avec la queue de l'animal, on appela goupille une sorte de tige d'assemblage qui eut plus tard de l'avenir dans les grenades.
Il y a quelques années, une firme informatique française a repris le nom de Goupil avec, bien sûr, un renard pour logo. Je ne sais ce qu’elle est devenue mais son peu de succès incite à penser que le retour du nom de Goupil pour Renard n’est pas de sitôt !
du Bièvre au Castor
Avant notre castor était le bièvre, du celtique beber , bièvre étant resté en anglais sous la forme beaver .
Comme beaucoup de locutions gauloises, ce nom se retrouve surtout dans la toponymie et chacun aura fait le rapprochement avec la rivière nommée Bièvre qui coule de la vallée homonyme jusque sous le Ve arrondissement de Paris, rue de Bièvre !
Les castors semblaient nombreux dans nos rivières puisque l'on retrouve la racine dans les noms de fleuves ou de lieux : Boivre, Beuvron, Lamotte-Beuvron, Brévonne, Brevon, Besbre, Boivre, Brévanne, et Vèbre, Vebron, dans le midi…
Kastor vient du grec, du nom du personnage mythologique qui, associé avec son frère jumeau Pollux, va donner le signe astrologique et la constellation des Gémeaux.
Pourquoi cette association entre le personnage et l'animal dans la langue grecque et le remplacement du mot pour l'autre dans notre langue vers le XIIe siècle ? Les auteurs consultés n'en disent rien.