Boris Bove a écrit:Cher Monsieur
je ne sais pas comment participer au forum, mais voici toujours quelques informationsl'article en question, paru en 2001 dans Paris et Ile-de-France. Mémoires. Je me permets de signaler aussi mon livre Dominer la ville. prévôts des marchands et échevins parisiens, 1260-1350, 2004 où vous trouverez un portrait de la grande bourgeoisie parisienne (activité professionnelle, habitat, culture, carrières, piété, position sociale) à la veille de la révolte d'Etienne Marcel.
je ne sais pas si l'enseignante en question connaît, pour l'étude du contexte, les livres de J. Baldwin, Paris, 1200, aubier, 2006 (fiche de lecture en p.j.). et aussi S. Roux, Paris au MA, coll. la vie quotidienne, Hachette, 2003, ainsi qu'un livre ancien mais pas remplacé : Cazelles R., Paris de la fin du règne de Philippe Auguste à la mort de Charles V (Nouvelle Histoire de Paris, t IV), Paris, 1972, rééd. 199?.
sur le monde du travail à Paris au MA : B. Geremek, Le salariat dans l'artisanat parisien aux XIIIe-XIVe s., 1968 (fiche de lecture en p.j.). Sur les métiers et corporations: B. Franklin, Dictionnaire historique des arts, métiers et professions exercées à Paris depuis le XIIIe siècle, Paris, 1906, rééd. Marseille, s.d.
sur le mobile, le livre de V. Toureille cité sur le forum mentionne des mobiles de vols aussi vieux que l'humanité: envie, haine, nécessité. Le monde des voleurs est surtt masculin et jeune, mais concerne ttes les catégories sociales.
sur le crime au MA, lire Gauvard C., De grace especial et ses autres oeuvres : elle montre que le criminel ordinaire tel qu’il apparaît dans les lettres de rémission est un homme bien inséré dans la société (marié dans 45% des cas), père de famille (35%), qui commet un crime à moins de 5 km de chez lui... Il ne faudrait pas en déduire que la société de la fin du Moyen Âge est pacifique, car le crime en question est en général un homicide, mais cette violence n’a rien à voir avec celle décrite dans les chroniques ou la criminalité organisée recherchée par le prévôt de Paris en 1389. En fait, c’est une violence ordinaire, inhérente aux relations sociales médiévales. La société du Moyen Âge est intrinsèquement violente, car c’est une société dans laquelle la valeur de l’individu se construit exclusivement dans le regard des autres et s’exprime dans sa bonne renommée, c’est-à-dire son honneur. Être de bonne renommée est à la portée de tous et n’a rien à voir avec la hiérarchie sociale : il suffit pour l’acquérir et la maintenir de se conformer aux normes tacites de la vie en société. C’est la bonne ou la mauvaise renommée qui décident de l’insertion ou de l’exclusion de l’individu dans la société. Il y a un grand danger à voir sa renommée atteinte, car il n’y a aucune différence entre l’être et le paraître social. Une femme qui se laisserait qualifier de prostituée sans réagir a de fortes chances, de quolibets en attouchements, de le devenir. Elle sera plus volontiers victime d’un viol, qui sera d’autant plus mollement condamné qu’elle était de mauvaise réputation. D’une manière plus générale, la justice médiévale croit les gens de mauvaise réputation plus volontiers coupables que les autres, les soumets plus volontiers à la torture judiciaire et gracie moins volontiers leurs crimes. Il y a donc une urgence vitale à préserver son capital d’honneur. Or, excepté pour les nobles, celui-ci est local et mince, puisqu’il n’y a pas de milieu entre bonne et mauvaise renommée et qu’une simple parole peut salir la réputation de chacun. Par conséquent, tous se doivent de réagir immédiatement aux atteintes publiques à leur honneur, sous peine d’être rapidement marginalisé. L’injure verbale ou physique (faire tomber le chaperon de quelqu’un dans la boue, par exemple) appelle un démenti immédiat par la victime, ses parents, amis ou alliés. Le démenti fait hausser le ton et conduit tout droit à une bagarre qui se termine souvent par un homicide, car les protagonistes ne tardent pas à sortir leur couteau. Le premier objet des rémissions (à 57%) est donc le pardon d’un homicide involontaire à la suite d’une rixe suscitée par une injure. La vie d’un homme a moins de prix à cette époque que l’honneur blessé, si bien que le crime réparateur est facilement pardonné et peut même être reconnu comme un « beau fait ». Cette exigence de préservation de l’honneur de chacun traverse toute la société, de la paysannerie à la haute noblesse, mais la vengeance est un plat qui se mange roid à la cour, où l’on est retenu par l’étiquette et des impératifs politiques. La société médiévale est donc une société violente
je signale le grd événement de l'année 1200 à Paris : le pape a jeté l'interdit sur le royaume de France pour condamner les histoires de fesses du roi de F qui prenait bcp de libertés avec les règles du mariage chrétien (ça amuse bcp les étudiants en général - Baldwin explique tb le pb)
je conclurai en insistant sur l'extrême précarité de la vie au Moyen Âge, même en période de croissance comme au XIIIe s.: rares sont ceux qui peuvent accumuler des réserves pour parer aux coups du sort, d'où la force et l'importance des liens sociaux (famille, voisinage) qui permettent l'individu d'y faire face en l'absence de toute organisation collective de protection sociale. Les citadins sont encore plus menacés car ce sont pour bcp des ruraux immigrés de fraîche date qui sont loin de ces anciennes solidarités protectrices. Les citadins tentent d'en recréer de nouvelles par la constitution de confréries (cf C. Vincent, Les confréries médiévales dans le royaume de France, Aubier) et de corporations, sans atteindre l'efficacité des antiques solidarités paysannes.
Bon roman
Boris Bove
J'ajoute ci dessous 3 documents que Mr Bove m'a fait parvenir, dont l'article sur le couple de drapiers :
Vie et mort d’un couple de marchands-drapiers parisiens
Le salariat dans l’artisanat parisien aux XIII-XIVe
Baldwin J., Paris 1200, Paris, Aubier, 2006
Pour info, voici son mail : boris.bove@[anti-spam à supprimer]wanadoo.fr